Pourquoi lire la Veuve Sao ?

  • Le 14/12/2025

Je viens d’achever La Veuve Sao et ce roman m’a laissé une forte impression.

Je connais un peu le Cambodge pour y avoir passé quelque jours après un voyage au Vietnam, il y a une dizaine d’années. J’avais été frappée par le mélange de beauté et de pauvreté que l’on y rencontre comme dans tant d’autres pays d’Asie, mais j’ai découvert en lisant La Veuve Sao, beaucoup d’autres aspects de ce pays à la fois fascinant et terrifiant.

L’intrigue policière semble construite pour nous faire parcourir toutes les strates de la société cambodgienne. On y découvre le petit monde néocolonial des expatriés occidentaux, où se côtoient des diplomates indolents, des affairistes douteux et une pègre qui s’est réfugiée au Cambodge pour la seule raison que le pays n’a pas signé de convention d’extradition avec l’Europe. Mais aussi les « ochnas », ces barons du régime immensément riches, corrompus et omnipotents. Les geôles où les prisonniers sont soumis à la férule de tortionnaires qui ne valent guère mieux que les Khmers rouges. Les paysans, cassés par le travail des rizières et en butte aux brutalités de la police. Les prostituées surtout, jeunes filles à peine pubères survivant dans des conditions dignes du servage. Le roman se situe pendant les funérailles de Norodom Sihanouk mais on y découvre que l’état du Cambodge est l’héritage d’un passé séculaire de violences politiques continues, dont les plaies morales et sociales ne se sont pas refermées. Comme l’explique un des profiteurs du système, aussi cynique que lucide, la culture de la violence s’est implantée partout au Cambodge. « Elle affecte les rapports sociaux, familiaux. Le moindre conflit se règle par des méthodes brutales à la maison, au bureau, à l’école, sur la route ».

La veuve Sao est donc un polar sombre. Ce n’est pas pourtant selon moi un roman « glauque » et sinistre, et je l’ai toujours repris avec plaisir. Peut-être est-ce dû à son style incisif, précis, inventif, jamais lassant. Peut-être est aussi est-ce parce que l’évocation du Cambodge fait la part belle à tout ce qui rend le pays envoûtant : sa persistante vitalité, « malgré tout », la subtilité de ses saveurs, de ses odeurs, de son érotisme – même s’il me semble que l’érotisme omniprésent dans le roman traduit un peu trop les fantasmes masculins occidentaux de son auteur concernant la sensualité des femmes asiatiques.

A lire

SB

 

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